Contribution Ugict-CGT le 12 mai 2017

Avec la révolution numérique, nous entrons dans une période charnière pour notre droit du travail et notre modèle social. Ce qui la caractérise c’est son champ, son ampleur et sa rapidité.

Plateformes numériques, robotisation et automatisation

Effets

Le modèle économique et social que nous connaissons est bousculé avec la mise en place des plateformes numériques, la robotisation et l’automatisation de certaines tâches. Au moins cinq effets sont induits :

l’effet de concentration du pouvoir et de la richesse dans des plateformes numériques, qui modifie la répartition de la chaine de valeur privant les autres entreprises de capacité d’investissement, d’innovation, et de marges de manœuvre sur les conditions sociales des travailleurs.

La remise en cause des fondements de la relation de travail avec tous les droits qui s’y rattachent (droit du travail, protection sociale). C’est la mise en concurrence à l’échelle internationale rendue possible avec la dématérialisation des postes de travail et la mise en réseau. Le microtravail (travail à la tâche) devient une marchandise payée au prix du marché et se déroule en dehors de l’entreprise. (À noter sur ce point que les demandes de tâches viennent essentiellement d’entreprises du monde anglo-saxon et que les travailleurs se trouvent surtout aux USA, Inde, Philippines et dans certains pays d’Asie, d’Afrique et Europe).

Le dégagement de gains massifs de productivité, générés par les nouvelles technologies qui permettent de démultiplier les potentialités de l’automatisation. A cela s’ajoute la suppression des intermédiaires et des emplois qui y sont liés car la technologie numérique permet de faciliter les mises en relation directs.

Le contrôle asymétrique et vertical sur les travailleurs au sein de l’entreprise, hors de l’entreprise et même hors travail.

Le transfert du risque économique sur le travailleur, traditionnellement supporté par l’employeur.

  

Modèle

Ce modèle de capitalisme de plateforme repose sur :

des infrastructures existantes (sur lesquelles les plateformes capitalistes n’apportent aucune contribution) ;

une masse salariale très réduite car les plateformes embauchent peu et font appel à des travailleurs indépendants ou des autoentrepreneurs (Airbnb et ACCOR même valeur boursière et respectivement 600 et 20 000 salariés) ;

une quasi-absence de contribution à un modèle social ou à l’intérêt général (pas de contribution à un système social, ni à l’impôt) ;

l’exploitation des qualifications et capacités cognitives, des salarié-e-s ou indépendant-e-s, qui sont nécessaires pour traiter les informations et conceptualiser l’organisation de l’activité. Ce sont les salarié-e-s les plus qualifié-e-s qui sont les premières cibles pour générer et accroître la création de valeur.   

Nouveau paradigme politique, économique et social

Robotisation inclusive et intelligente

L’autre grand sujet porte sur la robotisation et l’automatisation des tâches de certains postes ou certaines fonctions ; ainsi que la question de la place de l’intelligence artificielle et des algorithmes dans la relation travail. Que ce soit à l’usine industrielle ou l’usine tertiaire, nos batailles syndicales doivent avoir pour objectif de procéder à une robotisation inclusive et intelligente pensée et conçue avec et pour les travailleu-se-r-s. Il s’agit de concevoir ces outils comme une aide à la décision et à l’exécution des tâches, mais pas à une substitution aux travailleu-se-s qui doivent pouvoir se concentrer sur la part la plus valorisante et créative de leur travail. C’est nécessaire pour que le changement ait un sens et puisse permettre à chacune et chacun d’y trouver sa place.    

Deux lignes s’affrontent sur le sens et le contenu à donner à la révolution numérique, le positionnement du curseur dépendra du rapport de forces que le monde du travail arrivera à construire pour gagner sa reconnaissance et sa place centrale dans les évolutions en cours et à venir :

Ere numérique comme nouvelle phase de prolongement, de diversification et d’accentuation de l’exploitation capitaliste, matérialisée par les dérèglementations des secteurs d’activité et du travail et par l’hégémonie du modèle capitaliste nord-américain sur l’ensemble des dimensions économiques, culturelles, sociales, environnementales…

Ere numérique comme nouvelle phase d’émancipation et de justice sociale pour l’ensemble du monde du travail qui ouvrira des perspectives inédites pour rompre avec l’accroissement des inégalités, permettra de construire le « vivre ensemble » et de répondre aux attentes sociales et environnementales.

Partage de la valeur créée, du savoir, des savoir-faire et du pouvoir

Le numérique permet aux forces militantes de profiter des possibilités inédites que permet la mise en réseau des compétences, des outils et des savoirs. Cela peut participer à la structuration d’un nouveau paradigme politique, économique et social redéfinissant les modes de production, d’échange, de répartition des richesses, et de rapport à la valeur.

Pour promouvoir ce modèle, nous pouvons compter :

  • sur l’attachement au modèle social et de protection sociale français (et européen) qui est très fort ;
  • sur les aspirations de plus en plus présentes dans le monde du travail, notamment chez les jeunes, à donner du sens à son activité et à avoir davantage d’autonomie ;
  • sur les différentes formes de l’engagement citoyen ayant pour finalité un impact social et environnemental positif.

Ce modèle peut s’appuyer sur la manière dont l’économie sociale et solidaire pense un rapport émancipé au travail, à l’entreprise et à la propriété. Les outils numériques offrent des possibilités d’organisations collective, de définition de règles communes, de déploiement de systèmes d’information-formation et de production libres et partagées qui mettent au cœur du projet le partage de la valeur créée, du savoir, des savoir-faire et donc du pouvoir.

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